1 rue Saint Malo
L’immeuble au 1 rue Saint Malo à l’angle avec la rue Duguesclin bénéficie d’une situation privilégiée dans les rues piétonnes de Lannion avec en prime une belle orientation au sud. Inhabité depuis quelques décennies, les travaux ont permis de redonner tout son cachet à ce bâtiment daté de 1635. Afin de faciliter les accès, un escalier extérieur a été créé dans la cour derrière l’immeuble. Il dessert les étages et l’appartement du 3 rue Saint Malo. Les travaux se sont achevés à l’automne 2021.
Sommaire
1. Albums photos
2. Articles de presse
3. Particularités architecturales
4. Datation de la construction
5. Historique des propriétaires
6. Techniques de rénovation
7. Noms des rues
1. Albums photos
Photos avant les travaux
Photos pendant les travaux
Photos après les travaux
Projet architectural
« Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. »
Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868.
2. Articles de presse
02/10/2020 Le Télégramme
A Lannion, cure de jouvence pour deux immeubles du centre historique
3. Particularités architecturales
Les siècles se succèdent avec leurs particularités: XVIIème pour sa construction, le XVIIIème avec un probable viellissement, le XIXème avec le changement de façade et le XXème avec modification de la toiture et des doublages cachant les murs anciens. L’année 2021 marquera sa réhabilitation.
4. Datation de la construction
La dendrochronologie est une technique scientifique permettant la datation précise des bois qui est très utile pour dater la construction d’un bâtiment notamment en étudiant sa charpente ou ses planchers.
La charpente de l’immeuble du 1 rue Saint Malo étant homogène dans sa composition, nous concluons que l’immeuble a été construit entre 1635 et 1636 et que ses poutres en chêne proviennent d’arbres âgés de 110 à 140 ans. L’analyse de la maçonnerie suggère par contre que des murs plus anciens existaient sur la parcelles et qu’il ont servi d’appui pour les murs de 1635. Cette surélévation a pu déstabiliser une partie des fondations, conduisant à l’inclinaison du mur côté tour.
Contexte historique: Suite au grand incendie de 1598 le centre de Lannion était bonne en partie dévasté, la majorité des construction étant en bois. Jusque vers 1610 les pillages étaient encore fréquents, les habitants avaient même pris l’habitude de bloquer les rues avec des barricades pour se protéger des voleurs. Dans les années 1620 la ville a de surcroît été touchée par la peste, conduisant la ville à bloquer la circulation sur les ponts afin de réduire la propagation de la maladie. Les années de 1630 ont par conséquent été une période d’intense reconstruction. Plusieurs immeubles dits fin XVIème ou début XVIIème datent en fait des années 1630 et correspondent bien souvent à des reconstructions sur les parties détruites.
5. Historique des propriétaires
Avec l’aide de l’ARSSAT (Association pour la Recherche et la Sauvegarde des Sites Archéologiques du Trégor) et l’association CHEF d’ARMOR (Cercle Héraldique, Épigraphique et Filiatif d’Armor), l’origine de la propriété a pu être établie. L’immeuble a été construit en 1635. Au XVIIème il appartient à la famille de LESORMEL, nobles de Plestin. Au XVIIIème il passe à la famille ILIXANT, notables de Lannion. Au XIXème il appartient successivement à un marchand, un avocat, un pharmacien et un ébéniste. Au XXème il appartient aux GOURIOU puis aux GAY.
La construction de l’immeuble a été datée de manière précise par dendrochronologie : le bâtiment actuel date de l’année 1635, bien qu’une partie des murs soit probablement plus ancienne. Le premier propriétaire connu est Yves de Lesormel (1594-1650), Seigneur de Coatsabiec. Il est issu de la famille noble de Lesormel d’origine de Plestin et dont les origines remontent au XIVème siècle. Ils y possédaient un manoir dans la vallée du Duron, manoir qui a d’ailleurs été récemment restauré. Son blason est bandé de six pièces d’argent et d’azur avec pour devise « Le content est riche ». Peu fortunée la famille considérait donc sa fortune dans le contentement. Une branche de la famille vivait sur Lannion où siégeait l’auditoire, ce qui leur permettait de suivre leurs affaires au plus près. Deux orthographes coexistent en fait : Lesormel, forme originelle et Lezormel, forme plus récente.
De cette famille le premier propriétaire connu est donc Yves de LESORMEL (1594-1650), Seigneur de Coatsabiec, fils de Yves de LESORMEL et Catherine le BOEUFF. D’après les archives de la Réformation, la maison disposait d’un étal donnant sur la rue, ce qui signifie que le RDC était déjà à destination commerciale. Yves de LESORMEL était également propriétaire de l’immeuble voisin situé au 3 rue Saint Malo. A l’époque c’était la mode de se qualifier Seigneur d’un lieu mais Coatsabiec n’était en fait qu’une petite terre noble en Kermaria Sulard qui ne portait aucune maison d’habitation. En 1616 il épouse Marguerite Guillaume (1687-1675) et de cette union naquirent sept enfants.
En 1675 suite au décès de Marguerite Guillaume la succession s’organise à l’amiable entre les enfants. Guillaume l’aîné, hérite des parties nobles, alors que Jan, Sr de Kerouriou, hérite de l’immeuble au no 1 rue Saint Malo. Jan était syndic de la communauté de Lannion c’est à dire maire, en 1664 il avait notamment participé aux réunions destinées à établir les religieuses hospitalière dans l’Hôtel Dieu de Saint Anne. Le cadet Guillaume, Sr de Mézernot, étant déjà décédé en 1670 ce sont ses enfants qui héritent de l’immeuble voisin au no 3. Nous ne savons pas s’ils y ont réellement résidé, car ils possédaient plusieurs biens sur Lannion.
Dans le relevé de l’égail de 1698 l’immeuble est noté loué par le Sieur de Montblancq, il s’agit de Pierre ILIXANT (1631-1708), Sieur de Kerguelen et de Montblanc. La famille ILIXANT ou ILLIXANT était une famille de notables de Lannion. Ce nom n’apparaît d’ailleurs qu’autour de Lannion et pourrait être une variante de ALLIXANT, nom de famille plus courant notamment dans le Jura. On trouve chez les ILIXANT des maires, des membres de la communauté de Lannion et des avocats.
Pierre ILIXANT (1609-1668), Sieur de Kerguelen, a été Maire de Lannion en 1648. Son fils aîné Pierre ILIXANT fils épouse Marie de PLOESQUELLEC (1638-1716), Dame de Montblanc, et devient propriétaire de l’immeuble. Son fils cadet Louis fut avocat et marchand, probablement dans le commerce de vin, une déclaration de la Réformation le déclare en voyage à Bordeaux. C’était en effet un commerce courant dans le port de Lannion.
D’abord en location au 1 rue Saint Malo, la famille ILIXANT achète l’immeuble qui restera tout le XVIIIème siècle dans la famille qui y établit sa résidence. Les relevés de capitation conservés aux archives à Rennes en témoignent.
Au cours du XVIIIème plusieurs filles de la famille Ilixant résident dans l’immeuble, au point que jusqu’au XIXème l’immeuble était connu sous le nom de la Maison Ilixant. La dernière membre de la famille à y résider est Louise-Radegonde ILIXANT née en 1712 à Lannion et mariée en 1740 avec un Malois. Au décès de celui-ci elle revient sur Lannion et sera la dernière propriétaire de la famille. Peu après la Révolution en 1793 elle cède l’immeuble à Pierre LARROUMET, un marchant fortuné, mais garde le droit d’utiliser le 2ème étage et le grenier. Cette vente s’apparente donc à une forme de viager.
Pierre LARROUMET né en 1744 en Auvergne et décédé en 1817 à Lannion, était marchand en poêles à chauffer. Au XIXème les citadins abandonnaient progressivement l’usage des cheminées pour les remplacer par des poêles, plus pratiques à utiliser en appartements. Pierre LARROUMET investissait aussi dans l’achat de fermes afin d’en percevoir le fermage, de nombreux actes d’achats ont été retrouvés dans ce sens.
Suite au décès de Pierre LARROUMET à l’âge de 72 ans, les enfants revendent l’immeuble à un avocat de Lannion, Jean Marie RAOUL. Entre 1831 et 1833 celui-ci acquiert en sus de nombreux biens sur Lannion, notamment un ensemble sur la petite place du Marchalla’h très prisée par les notables. Il déménage ensuite à Paris où il poursuit sa fonction d’avocat.
Le 21 avril 1851 Jean Marie RAOUL et son épouse Mélanie MARTINET, demeurant à Paris, cèdent l’immeuble à Louis FORTIN, pharmacien, et son épouse Alexandrine LE BOULANGER son épouse moyennent un prix de 7350 francs.
En 1877 François Marie FEULOU, ébéniste, avec son épouse Julie le Normand, commerçante, acquièrent la maison de M. et Mme FORTIN, avec cour, édifice et dépendances, murs privés et mitoyens. En 1899 les parents décèdent mais l’immeuble reste dans la famille FEULOU jusqu’en 1929.
Les propriétaires au XXème siècle sont successivement :
1929 : M. Matthieu François Marie GOURIOU, pâtissier
1937 : Par succession, l’immeuble est transmis à leur fille Mme Marie Madelaine GOURIOU et son mari M. Louis Jacques Marie RUBEUS, navigateur
1947 : Acquisition le 17 janvier par Edmond Paul GAY, électricien, et Mme Marie Perrine Julienne BOHEC, commerçante à Lannion. Le couple louait déjà l’immeuble avec boutique au RDC et logement dans les étages. Le 29 novembre la même année M. Edmond Paul GAY décède.
1975 : Donation entre vifs, la veuve donne la maison à son fils le 22 juin 1975.
2018 : Acquisition par Jérôme et Peiyan FROGER auprès de M. GAY en vue d’une rénovation complète de l’immeuble
Sources :
– Archives nationales, Manuscrit P 1629, déclaration au domaine du Roi concernant la ville de Lannion (1677-1682) pour l’établissement de la propriété au XVIIème siècle
– « Six cents ans à Lezormel » de Jean du ROSCOÄT, bibliothèque de l’ARSSAT
– Archives communales de Lannion pour le relevé d’Egail de 1698
– Archives départementales des Côtes d’Armor pour les actes notariés, les hypothèques, le cadastre napoléonien et les recensements
– Archives départementales d’Ille et Vilaine pour les relevés de capitation de Lannion au XVIIIème
6. Techniques de rénovation
Le sablage est une technique de soufflage de sable sous pression qui permet de nettoyer les surfaces
La projection d’un mélange de chaux et de chanvre sur les murs permet à la fois de redresser les murs et d’assurer une bonne isolation thermique tout en respectant la perméabilité des murs anciens.
Pour plus d’information sur la technique, voir la page dédiée au chaux-chanvre
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